Chaussée, canal et tuf

Aménagements sur la rivière et partage de l’eau

La situation et le site sont propices à l’installation d’une activité humaine de production utilisant l’eau. Pour autant plusieurs aménagements vont être nécessaires pour profiter de cette configuration.

En observant la nature de la chaussée, on remarque que cet aménagement est bien réalisé par l’homme : pierres taillées et murs maçonnés. Il est intéressant ici de noter que l’ouvrage hydraulique, positionnée sur la cascade, vient «optimiser» un site naturel favorable.

Cet aménagement nécessite des travaux importants. Au 17e, 18e et 19e siècles, ils ne peuvent être réalisés que par des personnes disposants de capitaux substantiels. La chaussée en calcaire est recouverte de tuf.

L’ouvrage guide l’eau vers le canal d’amenée qui dessert un réservoir destiné à stocker l’eau servant à faire tourner une roue. Cette configuration permet d’utiliser l’eau de la rivière, en contrôlant le flux et en éliminant les divers éléments flottants charriés par la rivière (troncs, feuilles etc. qui pourraient gêner le fonctionnement des différents mécanismes.

Ces aménagements sont soumis à une forte pression. Lors des crues il n’est pas rare qu’ils soient endommagés ou détruits et qu’il faille ensuite réaliser des travaux de réfection très importants.

Le canal d’amenée permet d’aborder l’importance et les enjeux du partage de l’eau. En effet sur la rivière, en différents endroits, l’eau est puisée, détournée à des fins de production d’électricité, de lavage mais aussi d’irrigation.

Sur le site du Bouldou, on distingue plusieurs prises d’eau et déjà sur la gravure du 18e siècle, destinées probablement à deux moulins. En amont se situe la ville où l’on trouve déjà de nombreuses prises d’eau, ou chaussées, desservant des usines. En aval, à la hauteur de la manufacture des Grandes Orgues, un autre moulin.

Pour illustrer l’importance de la bonne cohabitation des exploitants de moulins, prenons l’exemple d’Eugène Mazars de Mazarin, détaillé par Mr Azéma dans son livre « Saint-Affrique et ses moulins » qui sur le même court d’eau du Galatrave, devint propriétaire de l’ensemble des 6 usines textiles travaillant la laine, étagées l’une sous l’autre, pouvant ainsi travailler sans être ennuyé.

Le partage de l’eau donne lieu à de nombreuses réglementations, il est au cœur des débats publics au Moyen-Age et jusqu’au 19e ou 20e siècle. Il y a bien sur les réglementations visant à garantir un débit et une disponibilité de l’eau mais aussi bien sûr, des réglementations sur les rejets liquides en rivière, qui vont considérablement évoluer au 20e siècle.
Notons que l’industrie textile va entrainer effectivement des prises d’eau conséquente mais également des rejets qui ne sont pas anodins.

En sortie de lavage, l’eau est est chargée de suint, de crottes, paille, et matière grasse animale. Elle va également se charger des différents adjuvants ajoutés pour le lavage : cendre, savons etc. Pour la teinture se sont également de grandes quantités d’eau et rejets. C’est ainsi que la rivière est tantôt bleu, rouge etc., en fonction de la production en cours. Nous retenons également l’étape du foulonnage pendant lequel le drap est foulé avec l’aide d’un mince filet l’eau de la rivière, pendant 12 heures. Cette étape nécessite une eau propre. On imagine aisément l’importance des réglementations sans quoi il aurait été impossible aux fabricants de réaliser ces étapes.

Il y a de nombreuses chaussées à Lodève, sur la Lergue et la Soulondres, ce qui témoigne de l’utilisation de l’eau comme source d’énergie renouvelable. Je vous invite à observer attentivement lors de vos explorations, la rivière et les traces d’aménagements. Vous y trouverez des indices très significatifs.

Auteurs : Flore Viglieno et Jean-Pierre Henri Azéma
Crédits photo : Xavier Spertini
Sources :
Le Bouldou : morceaux d’Histoire – Bernard Derrieu 2021
Saint-Affrique et ses moulins. L’eau qui travaille. 12 siècles d’histoire industrielle. Saint-Affrique. Ed. du Progrès – Jean-Pierre Henri Azéma 2013